Vigilance météo
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Flash du 15 février : pas d'hiver cette année ?

Introduction

Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'Hiver nous aura épargné cette année. A cette date, au 15 février, cinq sixièmes de l'hiver se sont écoulés (l'hiver météorologique est caractérisé par les mois de décembre, janvier et février).
Vous êtes nombreux à nous demander si c'est normal de ne pas avoir d'hiver, si c'est dû au réchauffement climatique, si ça va durer, etc...
Le but de cet article est de faire un peu de lumière sur cet hiver 2013-2014.

Il faut dire que les chiffres sont remarquables, pour ne pas dire hallucinants (valeurs pour Uccle) :
Pour la température moyenne d'abord : 6.1°C de moyenne en décembre, 6.1°C de moyenne en janvier, et... 6.1° pour les 15 premiers jours de février. Bien sûr, le mois n'est pas fini et la dernière décade de février pourrait être plus fraîche, mais à ce jour on est à 6.1°C de moyenne pour cet hiver (normale : 3.6°C) ! 
L'hiver le plus doux à Uccle reste à l'heure actuelle celui de 2007 avec une température moyenne de 6.6°C, issu d'une période hors norme qui aura vu le mois de juillet précédent (2006) le plus chaud jamais enregistré, un automne précédent et un printemps suivant cet hiver aux températures records eux aussi.
Actuellement, avec nos 6.1°C de moyenne au 15 février, on se situe à la seconde place, ex-æquo avec 1990, mais cela changera quelque peu d'ici la fin du mois.
Pour le nombre de jours de gel : 2 jours de gel en décembre, 4 jours en janvier et aucun jusqu'à présent en février : le record de l'hiver 1988-1989 (13 jours de gel) pourrait être battu cette année, si moins de sept jours de gel sont comptabilisés en février d’ici la fin du mois. Or, d'après les prévisions, d'ici au 20 février au moins, aucune gelée à Uccle ne semble être au programme, il restera donc à février huit jours dans sa dernière décade pour comptabiliser les sept jours nécessaires : cela semble difficile au vu de la situation synoptique actuelle. Le record sera donc, sauf grosse surprise, battu.
Pour la température la plus basse enregistrée cet hiver : à l'heure actuelle, la température la plus basse enregistrée cet hiver à Uccle est de... -0.5°C ! C'est peut-être le chiffre le plus surprenant.
Pour l'enneigement : pas d'enneigement du sol à Uccle depuis le début de l'hiver jusqu'à aujourd'hui. En soi, ce ne serait pas une première puisque cela s'est passé en 1988-1989. Voir aussi : statistiques d'enneigement décadaire sur notre site.

Pourquoi une telle situation jusqu'à présent ?

D'abord, et il est bon de le rappeler, la Belgique est soumise à un climat maritime tempéré, climat de type Cfb selon la classification de Köppen, et donc caractérisé par des hivers doux et des étés frais. Il ne faut donc pas s'attendre à avoir chaque année des hivers rudes ou des étés de type "sud de la France" en Belgique : quand cela arrive, cela reste plutôt l'exception.

Ceci dit, cette année, la douceur de l'hiver est exceptionnelle. Pourquoi ?
L'Europe est soumise à quatre types de régimes de temps en hiver : NAO+, NAO-,  blocage et dorsale atlantique. Nous en avions déjà parlé dans nos pages ici. (NAO : oscillation Nord Atlantique)

Normalement, lors d'un hiver normal, les différents régimes sont représentés, de façon plus ou moins équitable, même si le régime NAO+ est très légèrement prédominant. Or cette année, depuis le début de l'hiver, le régime NAO+ est largement majoritaire, alors que le régime NAO-, lui brille par son absence.

Schématiquement, cela donne ceci : Dans le schéma du haut, situation typique d'un régime de NAO+ : des dépressions très creuses au voisinage de l'Islande et un Anticyclone, bien au sud, sur les Açores. Conséquences : un jet stream puissant, rectiligne, amenant sur nos régions dépressions, pluie, vent et douceur.
Dans le schéma du bas, la situation typique de NAO- : des pressions plus importantes que normalement au voisinage de l'Islande, et des pressions moins importantes que la normale au voisinage des Açores : le jet stream est moins puissant, beaucoup plus ondulant, permettant des descentes d'air polaire ou arctique sur nos régions, et donc des conditions hivernales.


 
 
La question devient dès lors : pourquoi le régime NAO+ est-il si marqué cette année ? La question est complexe, mais plusieurs éléments peuvent jouer.
D'abord il y a des cycles : des hivers à tendance plutôt froide qui se suivent durant plusieurs années (2009, 2010, 2011, 2012 ou 1985, 1986, 1987 ou 1996,1997 etc) ou des hivers à tendance douce (2007, 2008 ou 1998, 1999, 2000 ou 1988, 1989, 1990 etc). Ces cycles sont complexes et liés à l'activité solaire, mais pas uniquement.
Ensuite, les réserves d'air froid ont mis du temps à se constituer en Russie et en Sibérie cette année : en fin d'automne et en début d'hiver, ces régions étaient soumises à des températures parfois exceptionnellement douces. Conséquence, l'anticyclone sibérien n'était pas particulièrement puissant cet année, et il n'a pas fallu compter sur lui pour apporter du froid sur l'Europe de l'Ouest cette année. La seule tentative de cet hiver fut en dernière décade de janvier, mais l'air froid n'a jamais franchi l'ancien rideau de fer.
De plus, il a été prouvé que les anomalies de températures des eaux de surface (SST) de l'Atlantique Nord jouent sur la NAO. De plus, une anomalie de température positive à l'endroit où se génèrent les dépressions rendront celles-ci plus actives.
Enfin, le vortex polaire est assez fort cette année en restant concentré : en restant concentré, il ne permet pas à des noyaux de ce vortex de descendre sur nos régions. Ce vortex puissant a permis au jet stream de rester rectiligne et de nous envoyer ces dépressions parfois tempétueuses aux noms bien sympathiques (Christian, Xaver, Ulla, Petra,...) depuis le début de l'hiver.
 
Pareille situation n'est donc pas imputable en tant que telle au réchauffement climatique. Un événement pris indépendamment ne peut pas être imputé au réchauffement climatique. Nous l'avons vu, il y a des cycles d'hivers doux et d'autres froids, et il y a en a toujours eu. Ce qui interpelle par contre c'est quand l'on se trouve dans des cycles d'hivers chauds, comme cette année ou 2007 ou 1990, les plus proches de nous, les records saisonniers de chaleur sont battus, ou frôlés, comme ce sera le cas sans doute pour cette année 2014. Et ça, c'est interpellant; cette récurrence à battre des records de chaleur à chaque événement chaud récent peut quant à elle être imputée au réchauffement climatique.

 

Que peut-on attendre pour la suite de cet hiver ?

A court terme, pas de réel changement, douceur et perturbations restent au menu (quoi que ces dernières moins importantes suite au placement d'un anticyclone sur le sud-est de l'Europe comme prévu d'ailleurs en début de mois dans nos tendances saisonnières). La fin de février devrait sans doute un peu plus se rapprocher des normales saisonnières.

Mais ce qui est intéressant, c'est qu'un réchauffement brutal de la stratosphère (SSW) au dessus de l'Arctique a eu lieu il y a quelques jours. Nous avions parlé de cette éventualité lors de notre analyse des tendances saisonnières de fin décembre : nous la voyions toute fin janvier, elle aura finalement eu lieu une dizaine de jours plus tard.
Sans rentrer dans les détails, la conséquence de cet événement est souvent, deux à quatre semaines plus tard, un effet sur la troposphère avec une incidence sur l'AO (oscillation arctique, l'indicateur de la "force" du vortex polaire) et sur la NAO avec un forçage négatif de ceux-ci : des conditions plus hivernales pourraient dès lors se manifester, toute fin février ou en première partie de mars, même si, vu l'avancement de la saison il ne faut plus s'attendre à des événements hivernaux marqués. Mais un retour à une certaine normalité saisonnière, ce serait déjà ça de pris.


Source : NOAA

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